Un nain fini
Sentier à sens unique. Quelques bifurcations toujours à sens unique. Des bornes de sauvegarde bousillées qui balisent les chemins. Les poils qui poussent à chaque pas. Les artères qui se bouchent à chaque rasage. Même si je sais que le retour est impossible, je sème des nains régulièrement, au cas ou. Chaque nain garde avec lui un peu de moi, de la peur, un peu de courage, de la tristesse, un peu de joie, de la honte, un peu de fierté, des cauchemars, un peu de rêve, de la fatigue, un peu de vitalité, et beaucoup d'amour. Chaque nain perdu me fait un signe de la main, jusqu'à ce que les douleurs cervicales m'obligent à détourner la tête. Chaque nain qui me quitte a droit à sa dose de larmes, larmes de peine des pertes, larmes de joie des fardeaux ôtés. Chaque nain abandonné s'assoit sur le bord du chemin, et disparaît petit à petit quand les souvenirs de ce qu'il a emporté s'estompent des mémoires des nains qui s'assiéront plus loin. Je serai le dernier nain à m'accroupir sur ce sentier, je resterai au milieu de ce nulle part à attendre ma disparition, à attendre tranquillement ou fébrilement que ceux qui ont croisé mon chemin m'ensevelissent sous les souvenirs d'autres errants aux pieds lourds.