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Polipoterne est-il encore en vie ?
Polipoterne est-il encore en vie ?
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4 août 2011

Les orages de proust

 Après hésitations, j'ai décidé de participer à cet atelier d'écriture organisé par ASPHODELE

orage d'été

 

Le ciel s’assombrit tendrement sur ces collines arborées de Juillet. Les orages migrateurs sont au rendez-vous de cette période estivale.

Le monde qui est sensé être sous vos pieds, pèse alors, paradoxalement, sur vos épaules, en vous donnant la sensation étouffante de réincarner le virtuel  ATLAS tout en ayant la puissance musculaire d’une bactérie sclérosée. La pression atmosphérique, comme un train de marchandise, emporte avec elle les molécules d’oxygène dans ses wagons plombés, tout en prenant soin de larguer, tout au long de la voie, ses tonnerres de PARIS- BREST et ses éclairs à la crème brûlée.

C’est cet univers étouffant et évanescent, que je sais attendre.

Je ne fus jamais très patient, sûrement moins que la moyenne de la population étant dans mon panel, mais, j’avais appris à domestiquer ces longs mois qui séparaient impitoyablement les orages d’été ardéchois.

Et là, j’y étais…

Phosphore des étincelles célestes, raréfaction de l’oxygène, montée de la température, saturation d’arômes, l’étreinte de mes doigts dans les racines des coquelicots.

Je ne veux pas dans ces moments  là, ne « faire qu’un avec la nature », je m’en sais incapable. J’essaye tout du moins, de n’« être qu’un avec moi »  Cet exercice étant déjà suffisamment compliqué, que je vous espère compréhensif sur la nécessité d’avoir la complicité de cet élégie qui a pour titre ; « Orages d’été sur les coteaux »

Et là, j’y étais…

Mon cerveau commence à frémir, j’y jette mes synapses (ne jamais le faire sur cerveau bouillonnant) et coupe l’interrupteur. Quand la vapeur s’évanouie, je sais que je souris.

Le  monde alors s’agrandit, les arbustes deviennent arbres  et les arbres qui gardent la rivière, des séquoias. Les libellules que je n’arrivais plus à voir, sont maintenant, des aigles rapides qui survolent les torrents en chasse de saumons royaux. Tout ce qui m’avait donné l’impression de s’éloigner en grandissant, revenait conquérant en défiant mes neuf ans.  Même le ciel semblait plus près d’apporter ses promesses.

5h30, le matin rougissait comme un rubis, les arbres attendaient de retrouver cette brillance vert-émeraude des Cévennes gardoises. Et l’eau de la rivière, j’en frétillais d’avance, combattrait la chaleur avec un éclat de diamant.  J’attendais que le panneau « SOMMIERES » se reflète dans les phares de la 2CV, et me tire de ma léthargie occasionnée par le manque de sommeil. Les nuits sont vives et immaculées quand elles se terminent pour une aventure de pêche avec son père.

Les gaules sont équipées de lignes, je prends soins de ne pas quitter les bouchons des yeux en essayant de faire la différence,  en cas d’immersion, entre du liège asticoté par les poissons ou excédé par le courant.

« Surveille bien, hein ! » me dit mon père, « je vais voir si je peux trouver des écrevisses » et rajoute, comme à chaque fois « Ne reste pas trop près du bord !!! »

Ca y est, je suis le capitaine ! Je suis tout seul, donc le plus vieux, le plus gradé, le plus tout !

Mes yeux suivent les feuilles qui dérivent, s’attarde sur les galets gris qui résistent au courant en chantant, pour se donner le courage de rester encore quelques secondes, afin que je puisse admirer leur force et leur courage.

Puis, les cannes se plient, les bouchons ont disparus. Je me précipite, veux tirer les deux en même temps et emmêle tout (souvenez-vous de mon impatience reconnue). On appelle ça, une salade dans le jargon des pêcheurs professionnels. C’est le moment d’appeler papa et d’expliquer mon manque d’attention et mes maladresses. Alors, je remets vite les lignes dans l’eau, ni vu ni connu… J’y gagnerais toujours une remontrance sur mes maladresses. Mon manque d’attention étant de toute façon déjà reconnu par mon entourage.

Un bout de bois en forme de pirogue, profitons de la marée. Les bouchons sont toujours livrés à eux-mêmes, ils savent ce qu’ils ont à faire. De toute façon je ne peux plus rien pour eux, je suis arrivé en Malaisie. Caché dans les rizières, j’étudie les réactions des éléphants qui sauront me prévenir du passage de l’ennemi. Je ne risque rien, CORTO MALTESE m’a tout appris. Comme camoufler ses habits en les recouvrant de feuilles d’eucalyptus et bien penser à en garder quelques unes pour se faire un éventail et chasser tous ces insectes porteurs de fièvre jaune.

Les heures vont défiler, je vais narguer toute ces Viêt-Cong qui veulent empêcher les enfants de pêcher tranquillement et n’ont jamais réussi à inventer des fils de pêches qui ne s’entortilleront jamais. Je m’approcherais, mais jamais ils ne me verront ni ne sauront que je n’ai que neuf ans et que je suis déjà le plus fort. Je pourrais voler leurs poissons avant qu’ils ne sentent mon ombre.

Je pourrais dire « Tiens papa, regarde ce que j’ai pêché ! »

Un étau puissant sur mon cou, damned !  Je suis pris, comment ?!

« Regarde » me dit mon père en tenant ma tête d’une seule main et en soulevant de l’autre un bouquet d’écrevisses à moitié résignées.

Il ne me demandait jamais combien j’avais pris de poisson, certainement pour ne plus avoir à subir mes mensonges qui se terminaient presque toujours par « Il était gros comme ça, je l’avais presque ! »  J’avais pourtant préparé mes bras à l’horizontal, pour montrer la maille du molosse échappé, puis ramenais toutes mes mains dans mes poches en me préparant à feindre la surprise pour les salades de fil de pêche.

Le bout de saucisson posé sur la lame du couteau pliant que je mettais précautionneusement dans ma bouche aurait aujourd’hui le goût des excursions exotiques.

Papa, je t’aime comme j’ai aimé ces galets, forts, résistants, courageux.

Papa, je t’aime parce que tu es le seul à avoir pu m’attraper dans toutes mes rizières.

Papa, je t’aime aussi parce j’ai compris que ce n’était pas pour ne plus écouter mes mensonges, mais pour m’éviter d’en dire, que tu ne semblais pas si curieux de ma vie.

Les orages d’été, en Ardèche, sont comme des élixirs parfumés à la madeleine.

Si j’ai des larmes qui s’invitent en écrivant ces mots, c’est parce que j’aurais aimé qu’ils soient vrais. Ou parce qu’ils le furent et que j’ai oublié.

 

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Commentaires
P
Merci pour ton passage, tes commentaires et encouragements.
P
Désolée pour "Pluminette" ! Mon pseudo des Traboules est "Plume" tout simplement !
P
Salut, Bloguinet canalbloguien !<br /> Je me sens tout à coup "en famille" dans notre maison CB !<br /> Tu as bien fait de renouer avec la bloguo. Pour un retour, c'est du lourd.<br /> Des mots pour les maux, une expression bateau certes, mais c'est vrai, ça fait drôlement du bien d'écrire...<br /> Rendez-vous samedi prochain !<br /> Amitiés d'une canalbloguienne lyonnaise
A
Un beau texte sur l'amour d'un fils pour son père (et vice-versa !). Merci pour ce joli moment de lecture (je n'ai pas encore fini la "tournée" des textes de la semaine... :))
O
De belles images et une bien jolie dernière phrase.
Polipoterne est-il encore en vie ?
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