La cellule
Sur une idée de Lidia suggérée dans un commentaire de « La banderole »
Quelle chaleur, moite, épaisse, animale…
Je me tourne, encore et encore, malgré l’exiguïté qui m’était réservée.
J’ai mal partout, des excroissances se développent sur tout mon corps, me gênent, me grattent et me feraient hurler si j‘avais la certitude que cela serve à quelque chose.
Et ce bruit, sourd, régulier puis anarchique, puis de nouveau métronomique avant de s’emballer encore.
Quelle chaleur, moite, épaisse, insupportable…
Je cogne aux parois, conscient de l’inutilité du geste. Je rue, plus par désarroi que pour demander de l’aide.
A chacun de mes mouvements brusques, les bruits s’amplifient, tambours de guerre, menaces de représailles. Et la peur et les vibrations me calment. Pas par thérapie, non, par nécessité de me protéger.
Alors, je me recroqueville, compte mes excroissances comme on dénombrerait des moutons pour trouver la tranquillité qui endort.
Quelle chaleur, moite, épaisse, étouffante…
La prise de conscience du temps qui s’étire, comme l’élastique d’un jeu de cartes espagnoles. Interminable, invulnérable, sans limites.
J’appelle, je crie, je hurle, je chante, je parle. Enfin, je crois que je fais tout ça, je n’entends même pas le son de ma propre voix. Existe-t-elle ou est-elle couverte par ces percussions sourdes qui rythment désormais mon infini quotidien ?
Quelle chaleur, moite, épaisse, assommante…
Et d’excroissances en protubérances, arrive enfin ce jour.
Les parois s’agitent, les bruits s’amplifient, les odeurs deviennent âcres, les douleurs qui me paraissaient déjà insupportables sont alors inhumaines.
Je sais que je vais mourir, il ne peut pas en être autrement.
Je cherche une issue, un échappatoire, un moyen de ne plus endurer cet écrasement physique et sonore.
Je me bats avec l’énergie du condamné pour tenir quelques secondes de plus. Même si ma cellule est inhumaine, elle reste préférable à ma disparition.
Quelle chaleur, douce, charnelle, enivrante…
Tout est fini, je n’ai plus la force, je ne lutte plus, je suis épuisé, tellement fatigué. Je ne m’accroche plus à rien, ni ma volonté, ni mes excroissances ne s’agrippent à l’espoir.
Je m’en vais…
La lumière m’a d’abord brûlé, puis réchauffé, puis endormi.
Je suis libre désormais, je repose dans du doux silencieux.
Je suis libre enfin, même si je sais déjà que des temps viendront où le besoin de retourner dans cet enfer me traversera l’esprit.