What else ?
Gaston était pigiste dans cette petite agence de presse spécialisée dans les faits divers glauques de la capitale. Chaque année, il avait la promesse d'un contrat à durée indéterminée qui ôterait son angoisse du lendemain et lui permettrait d'apercevoir, enfin, une lueur sereine dans les yeux de son banquier lors d'une énième demande d'acceptation d'un prêt immobilier. Aujourd'hui, il entamait sa quatrième année sous ce statut précaire, et en arrivant au travail, il ne sentait toujours aucune inclinaison de la part de son directeur d'agence à un avenant à son contrat.
Pourtant Gaston avait du talent, combien d'idées et d'articles proposés avaient été repris sous le nom de confrères chroniqueurs et qui leurs avaient valu moult félicitations et primes. Aucun retour pour lui. Il avait accepté ce rôle de nègre et cette abnégation avec l'espoir de faire, un jour partie de cette élite journalistique. En attendant, entre deux idées piratées, il avait la tâche de fournir en matériel et en café les professionnels qui le toisaient tant qu'ils n'avaient pas besoin de son aide.
Gaston avait un secret, qui lui permettait de tenir face à toutes ces frustrations. Tous les jours depuis plus d'un an, il se vengeait de tous ces «collègues» profiteurs et de cette direction irrespectueuse de son implication totale au sein de cette petite agence qui, il en était persuadé, ne serait pas autant côtée sans ses talents d'écrivain.
Tous les jours, depuis plus d'un an, Gaston pissait dans la cafetière à chaque fois qu'il entendait scander son nom pour faire couler de nouveau ce liquide magique qui permettrait de tenir ces longues heures face à la «page blanche» qu'il fallait remplir à toute vitesse, selon les informations qui s'accumulaient sur les fax et les mails.
Mais, la preuve que Gaston était tenu pour entité négligeable, personne ne lui avait signalé la décision, prise la veille, d'installer une surveillance vidéo dans les quelques pièces de l'agence. Et, quand il sorti de la salle servant de minuscule cuisine, la braguette et le moral bien remontés, il fut surpris de voir son directeur l'attendre, le faciès tout rouge, devant les journalistes blafards fixés sur l'écran plat qui diffusait en boucle un extrait d'enregistrement d'une des caméras.
Il comprit immédiatement que son contrat, non seulement ne serait pas reconduit, mais avait une espérance de vie qui n'excéderait pas la minute qui suivrait. Gaston sourit, et dit d'une voix claire ;
«quelqu'un veut un café ?»